Zone D'Ébullition

1986 est une marmite qui bouille. Et explose un peu. Fait du dégat dans la cuisine.

C'est une période où, au terme d'une tournée qui les feraient passer des États-Unis de mars à août, en Europe pour la première fois (le seul endroit où le film Under The Cherry Moon n'est pas considéré comme un total citron), et au Japon pour 4 dates, Prince limogera The Revolution.

C'est aussi une période où l'année débute avec l'horreur de Tchernobyl et l'explosion de la navette de Challenger. Où Ronald Reagan installe une claire ligne de racisme dans son parti et dans son pays en appelant "monkeys" certains leaders Africains. Une frange encore très vive.

C'est une période de surcharge créative alors qu'il travaillera l'équivalent de 5 albums. Pas un, pas deux, cinq.

C'est l'année où il se sépare de Suzannah et fonde son étiquette Paisley Records. Signe Jill Jones comme première artiste. Enregistre pour la première fois à Paisley.

Le rap prends aussi son envol et Prince l'a en horreur. Lui qui a appris à jouer de tant d'instruments par lui-même, qui a tant travaillé sa musique et ses productions, de voir des gens écrire de la poésie douteuse sans jouer de rien, sans même chanter, sans toujours créer puisqu'on emprunte des riffs à gauche et à droite d'autres morceaux, sans toujours avoir de talent réel, ça ne fait que l'irriter. Mais il sait que c'est là pour rester. C'est l'art de la rue. 

Mais il sent que les choses doivent changer. BrownMark a un projet parallèle et pour compléter un album en cours, il demande à Prince si il n'a pas un demo dont il se départirait. Prince lui avait offert une esquisse de Kiss. Brownmark lui a ajouté un important groove, celui connu. Il le pratique de temps à autres mais Prince l'entend. Il trouve trop intéressant et reprend le morceau, pour lui. Les voix de Mazarati sont déjà préenregistrées par eux. Brownmark ne sera jamais crédité comme co-auteur pour ce #1. Personne de Mazarati ne sera crédité comme co-auteur. 

Ça arrive trop souvent. Avec Wendy & Lisa aussi. Sur le prochain album, l'important album double Sign O' The Times, elles seront simplement remerciées(en dernier) sur la pochette. Sans plus. Même pas parmi les musiciens alors qu'elles sont partout dans la création des morceaux, certains retravaillés depuis 1979. Ça leur brise le coeur. BrownMark est aussi dévasté, Kiss ne porte pas son nom. Bobby Z comprend que de la manière dont Prince brise sa guitare sur la scène au Japon, à la fin de la tournée de Parade, c'est un point final pour The Revolution. Seul Doctor Fink survit à la purge. 

Déchirant et frustrant car de Purple Rain à Sign O' The Times, Wendy & Lisa, et les autres, reçoivent très souvent des esquisses de chansons où Prince leur dit "Put your stuff on this". 

Ou si vous préférez, créer pour moi, svp. La principauté excluant presque toujours à 100% l'apport des auteur(e)s au final et les privant de royautés. Puisque le spectrum créatif de Prince est extraordinairement large, il est difficile de vraiment comprendre quand la création de Sign O' The Times débute. Il retravaille des morceaux vieux de 7 ans. Joués et rejoués depuis. Où forcément, The Revolution s'y trouvait. Le mois de pause de tournée, à l'été 1986, sera une série de va-et-viens entre Sunset Studio, à L.A. et Paisley Park qui se construit. Eric Leeds et Atlanta Bliss aux cuivres, qui survivront aussi à la purge, ponctuellement, se pointent en studio pour y enregistrer des bouts qui naissent dans l'esprit de Prince. Certains morceaux sont enregistrés parfaitement seuls et ensuite on y ajoute cuivres ou des choeurs

Prince trouve que sa vie devient affaires et de moins en moins musique. Il glisse peu à peu hors de sa passion pour Suzannah et certains tons et propos de ses compositions le trahissent. Il vit des tremblements de terre, réels, et dans sa tête et dans son corps. S'en inspire. Écrit ses malaises. Les incarne. Fait ce que son entourage appelle des "goofy songs".  Quand la version Deluxe sera lancée en 2020 du matériel créé à cette époque, ce seront 63 morceaux supplémentaires qui seront ajoutés aux 16 de Sign O' The Times.

Au printemps 1986, on travaille du matériel d'abord créé à l'été 1984. On pense à un album double qui s'appelerait Dream Factory. The Revolution est alors encore dans le décor. Parallèlement, il travaille des effets de voix qui le féminise, et il aime entrer en contact avec cette partie de lui-même. Il se prend un pseudonyme, Camille, et travaille un album éponyme avec cette voix trafiquée qu'il utilise. En tournée, Prince engage les non-musiciens Wally Safford et Gregory Allen Brooks pour danser ou errer sur scène et avec eux une attitude machiste s'installe dans la dynamique de groupe. Wendy & Lisa n'apprécient aucunement. Prince leur suggère d'être plus sexy sur scène, de jouer la carte du sexe. Contre nature pour les deux Femmes qui n'en ont pas envie. Elles proposent des morceaux qui sont encore moins bien reçus. Avec Camille, il avait l'intention de lancer l'album sans y associer son nom afin de voir si ça vendrait. Il combine finalement les chansons de Dream Factory et de Camille pour en faire un triple album qu'il apellerait Crystal Ball.

Il n'en est pas question pour l'étiquette Warner. Forcément un album vendu pus cher et du matériel qui ne convainc pas. D'autant plus que le dernier film a fait patate et l'album le représentant a eu des ventes biens, mais outre mer surtout. La chanson titre fait même plus de 10 minutes, et ouvre l'album. Warner n'aime pas. Prince est piqué dans son ego. 

La chanson titre du double album que ça deviendra sera inspirée de l'édition du 13 juillet 1986 du LA Times, qui y parle de la guerre des étoiles de Ronald Reagan, de nouvelle aide afin de démystifier le SIDA et d'appel à la conscientisation de la maladie. À Minneapolis le même jour, où Prince y fera le trajet LA-Minneapolis, on couvre le procès autour d'un meurtre impliquant le gang de rue The Disciples. Trois jours plus tard, Sign O' The Times est enregistrée. 

 

The Revolution (Fink, Wendy, Lisa, BrownMark Bobby Z) avec l'ajout de trois danseurs en Jerome Benton, Wally Safford et Gregory Allen Brooks, Eric Leeds & Atlanta Bliss aux cuivres, Sheila E. aux percussions, trouve la chimie changée. Elle le sera très certainement. BrownMark quittera. Ils sont maintenant au moins 11 sur scène.

Très inspiré de James Brown, qui avait toujours deux trois bands différents autour de lui, les forçant à donner le meilleur d'eux-mêmes afin d'être les élus des tournées, Prince fait de même. Sur scène, comme Marvin Gaye le faisait, il développe un système de signes et de jeux de mains forçant son band à toujours le regarder pour les improvisations musicales. Les 5 originaux de The Revolution, exigent alors une augmentation de paie, ce qui ne passe pas bien du tout aux yeux de Prince. Même si les demandes sont encore très modestes. 

En tournée, fâché contre The Revolution, il plante les trois (grands) danseurs devant le band. Pendant Purple Rain, en Asie, pendant qu'il se transforme en Pete Townshend en furie avec sa guitare, Wendy murmure à Bobby Z "We're fucked". Lisa n'y croit pas. Bobby Z  lui répond "It's over". 

"Vous ne vous rendez pas là où je veux me rendre" leur dira-t-elles en congédiant Wendy & Lisa. Il en écrira un morceau en appui. Quand Lisa entend quelqu'un dire plus tard, "The Revolution were real good, but now Prince is hot!". Elle comprend que Prince voulait rester sexy.

Elles ne cadrent plus dans la zone sexifiée. Sheila E. embarque dans le jeu, elle. 

Prince a 28 ans. Est maintenant sans partenaire (plus) fixe. 

Le 17 octobre 1986. The Revolution n'existe plus.

Il présente son triple album Crystal Ball.

La guerre commence.

Parade Migratoire

Suite au giga succès planétaire de Purple Rain, qui leur fait tout rafler aux Grammys en 1985, et même si l'album qui a suivi a connu moins de vente, Prince est non seulement très riche, mais a désormais carte blanche pour ses projets.

Il rêve Paisley Park à Los Angeles. Il a les moyens de se construire un studio à son goût. Le terrain choisi est au Minnesota, à Chanchassen, dans un champ de maïs pas vraiment entretenu. À 20 minutes du Sud-Ouest de Minneapolis. Les plans seront dessinés en 1985. Le Prince veut y faire construire son palais.  

Mais dès janvier 1985, après le succès de Band Aid, au temps des fêtes précédents, Harry Bellafonte, Lionel Richie, Quincy Jones, Micheal Jackson et Stevie Wonder choisissent le studio de Kenny Rogers afin de travailler un morceau qui serait l'équivalent du Do They Know It's Christmas ? de l'Angleterre, mais cette fois, avec les superstars des États-Unis. Afin de freiner la famine, en Afrique. 

Richie s'occupe de la mélodie, Jackson des mots avec lui, Wonder des arrangements et de l'humour*, Jones de la production, Bellafonte et Rogers du recrutement des artistes. En 2h et demi, on a la chanson. C'est au studio de Kenny Rogers qu'on enregistre le premier jet. 

Mais le gros du travail se fait le jour de American Music Awards où tout le gratin de la musique y sera. Jackson demande à Eddie Murphy de venir mais celui-ci, jugeant mal l'importance du moment, préfère enregistrer Party All The Time. Il se trouvera idiot par la suite. Prince suit la même idée. Prévu en duo avec Micheal Jackson, pendant un segment, et contre l'avis de son entourage, il choisit de ne pas se présenter. Il craint la clique Jones/Jackson et ne veut pas collaborer avec eux. Il se trouve une excuse pour ne pas s'y rendre. Sa partie sera donnée à Bob Dylan en duo. Son entourage, qui comprend mieux le moment, le supplie de ne pas sortir ce soir là afin de pas être vu ailleurs, si il est su qu'au moment d'enregistrer pour contrer le faim dans le monde, Prince fait le gourmand excessif dans les bars, ça passera mal.

Ça ira très mal.

Prince promet de ne pas faire la fête, mais c'est comme exiger d'un enfant de ne pas toucher aux jujubes devant lui. Même si son équipe de conseillers reste avec lui jusqu'à 2h du matin, pour ne pas qu'il ne sorte, Prince sort dans les bars. Intolérant aux photos prises de lui, en général mais surtout ce soir-là, une échauffourée survient quand un de ses gardes du corps s'en prends à un photographe duquel il veut lui soutirer son appareil. À 3H du matin, Les gérants apprennent "Qu'on (Prince) a un problème". En effet, des coups de poings ont été donnés. Dès les premières éditions du journal, page 1: Usa For Africa, une cinquantaine de stars de la musique chantent pour l'Afrique. Page 2 Prince et son équipe impliquée dans une bagarre dans les bars. Prince aura si honte, qu'il donnera une chanson au projet, une chanson qui passe largement inaperçue. Le mal est fait.

Quand The Time se sépare, Morris Day pour une carrière solo, Jesse Johnson pour la même chose, Paul Peterson (qui se rebaptise St.Paul), Jellybean Johnson et Jerome Benton acceptent un nouveau projet de Prince: être The Family. Suzannah Melvoin, Mikko Weaver (à la guitare) et Eric Leeds (au saxophone) y sont ajoutés. Prince leur écrit tout, mais le cache. Il crédite les membres du groupe afin qu'ils touchent un peu plus d'argent potentiellement. À un morceau près, morceau qui aura une seconde vie dans 5 ans. L'album ne fait pas fureur, le band ne dure qu'un seul concert, Peterson quitte, excédé du contrôle de Prince sur l'ensemble. Projet éphémère, mais qui rapprochera Eric Leeds de l'équipe de Prince.

Parmi les projets où il a carte blanche est cette envie de lancer un nouveau film afin d'accompagner son prochain album. Refaire le combo film/album. Le studio donne le feu vert au film qui n'a pas d'histoire encore. On pense d'abord tourner en capturant l'esprit de Palm Beach, Miami ou Capri, Prince veut finalement tourner à Paris. Voulant cette fois verser dans la comédie romantique des années 30, il choisit le French Riviera pour le film qu'il voudrait que Jean-Baptiste Mondino, un photographe/cinéaste de mode et de vidéo, tourne. Mais il n'est pas disponible. Le scénario est confié à une jeune scénariste de 29 ans qui n'a jamais signé de long-métrage encore, Becky Johnston. La réalisation, à Mary Lambert, réalisatrice de clips vidéos. Elle a tourné des clips pour Madonna et Janet Jackson qui ont connu beaucoup de succès.

Janet, avec son troisième effort solo sur disque, Ready For the World (même dans les titres), Mary Jane Girls, Jesse Johnson, Andre Cymone, l'influence de Prince se sent partout dans l'univers pop de 1985. Il donne à Chaka Khan et aux Bangles, leurs plus gros hits. Il se donne toujours aux Femmes.

On tourne dans Les Salons de la Rotonde, à Beaulieu-Sur-Mer. Suzannah Melvoin est d'abord l'actrice principale, mais Prince, dévasté de lui annoncer, lui dit qu'elle ne fera pas l'affaire pour le film. Dans le même souffle, il lui fait une autre promesse qu'il ne tiendra pas, il lui demande de devenir son épouse.

Mary Lambert, à la réalisation, ne dure pas non plus. Après deux mois de tournage, elle abandonne le projet qui ne la rejoint plus. Prince, sans expérience du genre à ce niveau, prends la réalisation en main. Kristin Scott-Thomas, une jeune actrice de 25 ans, d'origine britannique mais vivant en France, y trouve son tout premier rôle. Jerôme Benton partage les dialogues avec Prince et est, comme toujours, le support comique du film. Des dialogues et une mise-en-scène très homoérotique par moments. Scott-Thomas tire très admirablement son épingle du jeu et rehausse le tout, mais Francesca Annis est plus ou moins gaspillée avec un rôle mal développé. Prince est assez extraordinairement amateur dans son jeu d'acteur arrivant à peine à masquer des fous rires, mais le choix du noir et blanc est assez heureux. Si certains moments paraissent très amateur, le travail de Micheal Baulhauss, un caméraman qui aura travaillé avec Rainer Werner Fassbinder, Martin Scorsese, Mike Nichols et James L.Brooks, est assez superbe.

Under The Cherry Moon raconte l'histoire de deux gigolos, employés d'un complexe de villégiature de Nice, découvrant que l'anniversaire d'une jeune fille, issue d'une famille très riche, la verrait toucher 50 millions pour ses 21 ans, le jour même de cet anniversaire qui approche. Ils feront tout pour gagner son attention, d'autant plus qu'elle est très charmante d'emblée. Mais l'entourage de la jolie jeune fille flaire le plan qui ne parait que financier des deux filous, originalement de Miami avant de se trouver en France. L'argent et l'amour, deux sujets indissociables de l'oeuvre entière de Prince, sont au coeur de ce film qui sera 10 000$ sous ses frais de production au terme de sa vie publique. Et largement trouvé moche par la critique. Dans un visionnement d'essai à Pasadena, les gens rient aux mauvais endroits et se moquent du film et s'en amuse inconfortablement. Prince ne restera pas jusqu'à la fin du visionnement. Blessé mais déjà ailleurs. 

Le film récolte 5 Razzies: Prince pour le pire acteur, pire réalisateur, les trio de gérant Cavallo/Ruffalo/Fargnoli pour le pire film, Prince & The Revolution pour la pire chanson et Jerome Benton pour le pire acteur de soutien. Kristin Scott-Thomas est aussi nommée injustement 2 fois, mais justement, ne se mérite pas ce déshonneur. 

D'avril à l'hiver 1986, Prince, Lisa, Wendy, Doctor Fink, Brown Mark, Bobby Z., Sheila E., Eric Leeds, Bill Watrous & Atlanta Bliss aux cuivres, Suzannah & Jonathan Melvoin, David Z., Miko Weaver, Clare Fisher aux arrangements orchestraux (une importante acquisition, celle-là) travaillent ensemble le 8ème album de Prince. Un effort un peu baroque. Jazzy. Avec un brin d'avant-gardisme. Encore un peu néo-psychédélique. On fera jaser une Marie-France en langue française. Prince ose encore en territoire expérimental avec son père sur deux morceaux. Wendy & Lisa sont aussi co-créditées pour 2 morceaux. Il prend la courte lettre d'une fan et en fait un curieux morceau. Pour la première fois, les ventes en Europe éclipsent celles d'Amérique et celles d'Amérique dépassent le million. 

Prince a même un #1.

Un #1 qui est aussi un peu, un baiser de la mort.

Parce que la tournée qui suivra, la parade, sera funeste dans un certain sens. Un peu sombre. 

Noire. 


*Dans la coordination, il dit une première fois que lui et Ray Charles (deux non voyants) "Bumped into each other" et afin d'accélérer le rythme de l'enregistrement et en augmenter l'efficacité, il dit aussi "Allez on finit ça aujourd'hui comme il faut sinon ce sont Ray et moi qui vous reconduisons au volant chez vous."

Le Pimp

1977.

La percussionniste Sheila Cecilia Escovedo est issue d'une famille de musiciens qui est proche de Tito Fuente. Un de ses oncles jouera pour Santana. Dans la jeune vingtaine, elle jouera pour George Duke, Lionel Richie, Marvin Gaye, Herbie Hancock et Diana Ross. Elle est impressionnante. Mais c'est en jouant avec son père que, dans la foule, Prince et son ami Andre Anderson, qui se rebaptisera plus tard Andre Cymone, la remarquent avec admiration. Ils ont aussi 20 ans. La rencontrant en arrière-scène, ils lui disent qu'ils argumentaient dans la foule afin de convaincre l'autre de qui serait le meilleur mari pour elle. Prince lui dira qu'un jour, ils travailleront ensemble.

Ce jour, c'est 6 ans plus tard, fin 1983. À partir du 27 décembre commencent les sessions d'enregistrements pour un mini album solo de celle qui se fera appeler sur scène Sheila E. Prince lui écrit un hit qui atteindra la 7ème place des palmarès d'Amérique. Ils co-écrivent un morceau ensemble et Jesse Johnson se joint à eux pour un autre. Prince écrit tout le reste et est partout sur son album mais ne se fera pas crédité sur la pochette. La jouant fantôme. Ce même Noël, Prince emménage souvent chez les Melvoin, les jumelles habitant ensemble et Lisa étant la partenaire amoureuse de Wendy. Il dort sur le canapé et la nuit, les chats viennent l'incommoder. Les filles s'en amusent. C'est à force de cohabiter que Prince et Suzannah Melvoin deviennent un couple. Vanity a quitté Vanity 6 pour une carrière solo qui impliquerait le cinéma et n'est plus dans le coeur de Prince et vice-versa. 

Prince sera l'amoureux de Suzannah, mais Prince ne sera jamais complètement exclusif à celles qu'il fréquente. Mais il les bouleversera toutes. Avec Suzannah, vers 1h du matin, pendant l'enregistrement de son album Purple Rain, sachant que Melvoin a une formation de danseuse, il lui demande comment faire une pirouette. Rares sont les hommes (hétérosexuels) qui demanderaient à une femme, particulièrement dans une situation où vous essayer de séduire l'autre, une telle chose. Qui placerait madame dans un tel rôle en mode séduction ?  Il faut se sentir très à l'aise avec sa propre androgynie. On dira de lui qu'il était parfois meilleure Femme que les Femmes qu'il fréquentait, tout en restant très mâle. La mère de Jill Jones parlera de Prince comme du meilleur pimp qu'elle ait connu. 

Une dychotomie existe dans la personnalité et dans l'âme de Prince. Extrêmement vulnérable, il se protège dans des personnages, des costumes qui font réagir, mais se donne un air extrêmement mâle afin de ne jamais montrer sa fragilité. Autour de Femmes qu'il aime et désire, le mur mâle qu'il s'impose devient vulnérabilité plus souvent associée aux Femmes, ce qu'il considère comme une "faiblesse" de sa part. Une large part féminine reste dans la présentation de Prince, il se parfume beaucoup, les vêtements sont toujours importants, jamais on ne le verra en jeans ou en t-shirt, il adore le rituel de préparation de sa personne, se maquille, passe du temps à faire ses cheveux, porte des talons-haut ou des souliers plate-formes. Dans un contexte de courtisanerie, il serait très féminin, mais une fois la Femme conquise, il serait aussi très mâle. Compliqué, intense et malhabile. Toute sa carrière sera ponctuée de décisions parfois douteuses de la part 'un homme trop souvent seul qui auraient eu besoin de contrepoints plus fréquemment. 

Sheena Shirley Orr est née en Écosse, en avril 1959. Elle avait été vedette d'un des premiers concepts de télé-réalité britannique, avait lancé 2 singles qui avaient atteint le top 10 (et même un #1 au Canada) et gagné le grammy de la meilleure nouvelle artiste, en 1982 avec sa chanson pour un film de la franchise des James Bond sous le nom de Sheena Easton. Elle était aussi belle comme un coeur et n'avait qu'un an de moins que Prince. Qu'elle admire beaucoup. Elle souhaite travailler avec lui. En janvier 1984, elle a 24 ans, Prince en a 25. Prince lui écrit un morceau qui, tout de suite, est condamné par le prédicateur tordu Jimmy Swaggart et la maternelle Tipper Gore qui intégrera pas moins de 3 chansons de Prince, dont celle-ci dans ses "Filthy 15". Ce qui est une nouvelle confirmation que Prince a réussi.

Avec Susannah, un soir, alors qu'elle habite L.A., elle reçoit un appel d'Alan Leeds, indispensable directeur de tournée de Prince, qui lui demande de venir les rejoindre, à New York. Les dépenses autour du vol lui seront payées. Elle s'y rend, assiste à leur réunion de tournée où elle découvre un Prince différent. Directif, leader. Après la réunion, il lui demande si elle veut magasiner. Demande qu'une Femme ferait généralement à une autre, mais pas souvent un homme. Bien entendu, elle accepte. New York ne dort jamais. Dans une bijouterie, Suzannah réalise que les employé(e)s les attendaient. Elle est émerveillée par tout ce qu'elle voit et essaie. Prince lui demande de choisir celle qui lui plait. Ce sera une forme de promesse amoureuse d'unicité. Il dépense sur une bague plus que Suzannah n'a jamais gagné de sa vie. Ils passent ensuite une semaine qui a toute les apparences d'une lune de miel, à Paris.

Les relations amoureuses de Prince sont toujours compliquées. Elles sont toujours articulées autour de ce qu'il décide, organise ou fait. Jill Jones est très souvent son taxi, à L.A. Avec bénéfices. Être partenaire amoureuse de Prince était très compliqué. Chaque fille impliquée sexuellement et sentimentalement avec Prince savait qu'il y en avait d'autres. Certains soirs, Suzannah était dans l'autobus, Jill Jones était dans l'autobus, Sheila E.était dans l'autobus, et tout le monde savait qu'il allait quelque part en soirée avec une Femme qui n'était aucune des trois...laquelle ? le vertige mental et affectif devenait fréquent. Il a beau chanter Irresistible Bitch, il fait habilement sentir à plusieurs belles Femmes que c'était lui l'irréristible pimp. Comme James Brown autour de ses danseuses, les Femmes autour de Prince sont ses pommes et ses oranges. Ses vitamines.

Puisque noir et conduisant des voitures de luxe, la police est continuellement en train de suivre Prince et son entourage et très vite, son permis est suspendu. Jill Jones devient la chauffeuse de ses BMW qui le déplace en Californie. Les Femmes qu'il fréquente sont habituées à des chums qui se pointent sur l'heure du souper avec des fleurs. Prince se pointe à 3h du matin, avec des bijoux. Let's Go Crazy. Parfois, dès la dernière note d'une chanson d'un spectacle, Prince part en couple pour quelques jours avec une Femme. Et réapparait pour 48H, 72H de créativité musicale ou pour un spectacle. Des sentiers du coeurs nouvellement tracés. Toujours en proie à la tentation.

Aussi intense que triste en quelque sorte. Attachement sentimental impossible sans se blesser chaque fois. Prince sera blessant extrêmement souvent. Lisa & Wendy le subissent aussi. Après multiples propositions musicales qu'il refuse, il en a assez et leur dit platement "Nobody cares about your music". Cruel.

Mais pour l'album qui sera principalement composé avant même que Purple Rain ne soit lancé en juin 1984, Prince est très ouvert à leurs propositions, qui penchent davantage vers le psychédélisme et le cryptique. Le film Purple Rain est lancé un mois plus tard et de novembre 84 à avril 85, près 100 spectacles (97) sont livrés aux États-Unis et au Canada avec beaucoup beaucoup beaucoup de succès.

Friand de Led Zeppelin, qui selon Prince, arrivait à donner une couleur différente à chacune de ses chansons, Prince essaie de rester très varié pour son 7ème album. Il parlera encore de jouer avec son entrejambe. Il co-écrit avec son père (deux fois) et le frère de Lisa Coleman, la chanson titre. Il utilise Novi Novog au violon. Il retravaille un morceau de 1982 avec The Revolution & Novog et fera deux vidéos qu'il croisera ensemble pour cette chanson. Une de ses favorites en spectacle. Il attaque encore le Reaganisme et utilise subtilement les bruits de la foule qui le conspuaient en première partie des Rolling Stones, en 1981. Un peu fatigué de la vie de star de la pop. Sheila E. sera aux percussions de ce morceau. 

Tanné de voir son visage sur ses albums, il commande une peinture à Doug Henders représentant à la fois le psychédélisme souhaité, l'esprit de groupe, le voyage, l'exotisme, différentes couleurs et toutes les chansons du disque. N'arrivant pas à accoter le giga-succès de l'album précédent, George Clinton, légende funk, dira qu'il a adoré cet album. 

Ce sera suffisant pour Prince. L'album est lancé en avril 1985, et le premier single, un mois plus tard. Décision habituellement inverse.

Prince ne fait rien comme les autres. Et quand il fait, c'est parce qu'il l'a choisit.

1985 le confirmera encore. 

L'Arc-En-Ciel Dans Sa Main

"...I don't want stop, 'til I reach the top

1983.

Micheal Jackson trône au sommet du monde pop/rock. Quincy Jones et lui viennent de révolutionner le monde de la musique à jamais. Son 6ème album solo Thriller , enregistré entre avril 1982 et novembre 1982 avait un budget de 750 000$. Lancé fin novembre 1982, il vendra plus de 32 millions de fois, sera premier dans les palmarès d'Amérique du Nord pendant un record de 37 semaines de suite, sur 9 morceaux, un record de 7 singles seront lancés. Ses clips marqueront aussi l'évènement. Du moins celui de la pièce titre qui est un mini film de plus de 13 minutes utilisant les services de John  Landis à la réalisation et sera au final le tout premier vidéo à être retenu à la National Film Industry.  

Pour la communauté des humains à la peau noire, son succès est immense. Il donne confiance à une groupe de gens trop longtemps peu glorifiés en Amérique. Le succès de Prince n'est pas aussi massif, mais très important quand même. Ils iront manger ensemble et Jackson, désormais extraordinairement riche, se plaindra à Prince que ses parents lui demandent continuellement de l'argent. Prince ne pourra que confirmer la même chose. 

Il a des rapports extrêmement difficiles avec ses parents depuis toujours. Avec sa mère, c'est très confus. Il l'a beaucoup admiré au début de sa vie, mais encore, quand elle a refait sa vie après le divorce, il a choisi d'aller vivre avec son père. Il a commencé à la mépriser pour ses choix, surtout celui de trop souvent boire et s'en trouver saoûle. Il l'imite avec mépris dans sa nouvelle famille, The Revolution, pour les amuser. De plus, devenu célèbre et un peu plus riche, régulièrement, elle lui demandera de l'argent. Pour la sortir de sa vie, il lui achètera une maison et au final, n'assistera même pas à ses funérailles, quand elle décède, en 2002. 

Avec son père ce fût aussi difficile. Adolescent, Prince et Morris Day, avertis de ne jamais faire ceci, amènent en cachette deux filles de leur âge afin de faire peau contre peau, ce que la passion du moment leur suggère fortement. Le lendemain matin, devant Morris Day, John N. Rogers exige la clé de la maison à Prince et lui indique que c'est terminé pour lui sous son toit. Prince se réfugiera chez les voisins, les Anderson où il trouvera un sous-sol pour lui et des parents de substitution aimants. John travaille de jour chez Honeywell, et le soir dans les bars, au piano avec son trio, ou seul, afin de joindre les deux bouts. Quand Prince le voit jouer au piano, il fascine. Il joue principalement de la musique d'avant-garde. Atonique. Tout le contraire de la musique populaire. Pas même jazz. Assez peu. Parfois, on dirait qu'il joue tout simplement n'importe quoi, puis, il refait deux-trois fois exactement la même chose. Ce qui confirme que le parcours musical était bien soudé dans cette drôle de tête. Prince est à la fois stupéfait de ce qui semble désordre mais qui est pourtant bien sentier créatif mental. 

John n'était pas équipé pour être un père monoparental. Depuis que son fils est riche et populaire il s'en est rapproché. Il jouit des avantages de sa célébrités. Il a sa nouvelle voiture. Il voyage avec son fils. Le traite comme un petit frère. S'amuse dans ce lui fait vivre son plus vieux. À Jérôme Benton, de The Time, il dira plus d'une fois "You know how lucky you guys are ?". Pour la première fois de la vie de John, l'argent n'est plus un souci permanent. Pour l'album qui se travaille, Prince prendra une partie d'un morceau de John qu'il intègrera au sien. La coupure entre pop traditionnel et plus freestyle est marquante. 

À la même époque, mi-année 80, mes relations avec mon propre père sont aussi très difficiles. Il réalise avec effroi que mes intérêts sont majoritairement artistiques. Tous les weeks-ends, j'explore l'univers de la musique avec passion, regarde des films où lit. Ça rendra mon père fou de voir que je n'ai jamais envie de travailler avec des outils dans le garage où que prendre un scie mécanique dans mes mains me fasse trembler de peur. 

Fin août 1982, The Time avait lancé un second album. Bien que les membres du band soient crédités d'y avoir joué plusieurs instruments, Prince jouent la plupart et Morris Day est à la batterie pour la moitié des 6 morceaux. Cette fois, 5 des 6 morceaux sont composés par les membres de The Time. Et cet album vendra mieux que le précédent avec ses trois singles. C'est encourageant pour le troisième effort commencé en mars 1983. 

En avril 1983, Vanity et Prince posent pour le magazine Rolling Stones. Prince voit plus grand maintenant. Il annonce à son gérant Robert Cavallo qu'il ne renouvelle pas le contrat avec Warner si il ne peut pas aussi lancer un film dans lequel il serait la star, avec son prochain album. Cavallo concède. Tous les investisseurs refusent l'idée. Dont David Geffen et l'acteur Richard Pryor. Cavallo produira donc lui-même. Il engage William Blinn, qui vient de connaitre du succès avec Fame, afin d'en écrire la scénario à partir des idées de Prince. Le scénario original est beaucoup plus sombre. Vanity devait y jouer, mais il y a des frictions entre elle et Brenda Bennett, elle n'aime plus le contrôle que Prince exerce sur le trio, n'est pas convaincue que les droits d'auteurs soient complètement respectés dans la redistribution d'argent, et sa relation avec Prince s'étiole au point de prendre fin. Elle quitte aussi Vanity 6. L'actrice Apollonia Kotero sera choisie pour jouer à sa place dans le film d'Albert Magnoli et pour prendre sa place dans le band qui devient Apollonia 6. Susan Moonsie, qui se sent de moins en moins pertinente dans tout ça, s'en trouvera attristée. Prince écrira un des ses meilleurs morceaux à vie inspiré de l'impact de tout ça (et sans l'utilisation d'une base, phénomène rare).  Moonsie ne fera qu'une chanson de leur album suivant, l'unique album du trio Apollonia 6. Prince leur écrit encore des morceaux, mais se ravise parfois et se les garde pour lui

Wendy Melvoin est introduite comme guitariste au sein de The Revolution. Ça ne plait pas au reste du band. Qui est cette enfant qui n'a pas 20 ans ? Dez Dickerson, qui passe vraiment trop de temps à s'obstiner sur la religion avec Prince, ne sera pas de l'album, mais sera du film. La guitare improvisée de Wendy sur Purple Rain la fait passer de country à rock. Prince navigue beaucoup sur ses idées. C'est en voyant sa fille écouter un morceau sexuellement explicite parlant de masturbation dès le début de la chanson que Tippy Gore, épouse d'Alan Gore, fonde son mouvement conservateur de parents inquiets que leurs enfants deviennent adultes, aux États-Unis. Prince se sent élu par Dieu et sensiblement comme Scott F. Fitzgerald, "parmi les choisis" qu'il était dans les années 20, mais lui, 60 ans plus tard.  

Je découvrirai Prince par cet album, probablement en 1985. L'orgue, des 50 premières secondes du premier morceau de cet album est tout à fait bouleversant pour moi. J'en suis ému et pourrait pleurer sur commande sur cet air. Il s'agit d'un vortex mémoriel qui me situe systématiquement dans ma jeune adolescence, vers mes 15 ans, et me fait revivre momentanément cette époque. Où le croisement de l'innocence, de l'arrogance, et la fascination des découvertes sexuelles formaient un triumvirat magique. Je ne suis plus en 2023 pendant 50 secondes quand Prince nous parles de son fromage religieux en début d'album. Et au volant d'une voiture, Let's Go Crazy me donne des frissons. Prince y superpose deux guitares jouées par lui, et une troisième rythmique par Wendy. Prince rejoint le blanc d'Amérique du Nord. Mission accomplie. Me fera découvrir le noir d'Amérique aussi. Blues, jazz, soul, R & B et rock'n roll. 

Quand à l'automne on commence la tournage du film, Morris Day boude plusieurs jours sans se présenter, la rivalité fictive dans le film, devenant réelle sur le plateau de tournage. L'appartement qui sera reproduit à l'image, dans le film, sera en tout point identique au sous-sol où a grandi Prince, chez les Anderson, adolescent.  

Le film est tourné dans ma saison préférée, l'automne 1983. 

5 des 9 morceaux seront des singles payants. 15 millions d'albums seront vendus de cet album marquant dans 6 mois.

Quelque chose vient de changer. Lisa et Prince le savent quand ils se regardent sur scène. La camaraderie y est toujours, mais l'immensité paralysante s'installera aussi entre tous. 

La famille ne s'appartiendra plus complètement. Tout ça sera beaucoup trop gros.

Comme vouloir faire le tour du monde en une seule journée.  

En Irlande, après avoir assisté à un show de Prince, Mike Scott et Karl Wallinger composent ma chanson préférée à vie à peu près à cette époque. Wallinger faisant même un clin d'oeil au Fame de Bowie en fin de morceau. Pour l'Irlandais que je suis, ça fait mouche partout. 

L'Empreinte Princière.

Oh no ! Let's Go C'est ici que ce clôt mon blogue sur Prince. Je ne vous écrirai pas sur lui à Noël, ni au jour de l'an. Je me r...