Zone D'Ébullition

1986 est une marmite qui bouille. Et explose un peu. Fait du dégat dans la cuisine.

C'est une période où, au terme d'une tournée qui les feraient passer des États-Unis de mars à août, en Europe pour la première fois (le seul endroit où le film Under The Cherry Moon n'est pas considéré comme un total citron), et au Japon pour 4 dates, Prince limogera The Revolution.

C'est aussi une période où l'année débute avec l'horreur de Tchernobyl et l'explosion de la navette de Challenger. Où Ronald Reagan installe une claire ligne de racisme dans son parti et dans son pays en appelant "monkeys" certains leaders Africains. Une frange encore très vive.

C'est une période de surcharge créative alors qu'il travaillera l'équivalent de 5 albums. Pas un, pas deux, cinq.

C'est l'année où il se sépare de Suzannah et fonde son étiquette Paisley Records. Signe Jill Jones comme première artiste. Enregistre pour la première fois à Paisley.

Le rap prends aussi son envol et Prince l'a en horreur. Lui qui a appris à jouer de tant d'instruments par lui-même, qui a tant travaillé sa musique et ses productions, de voir des gens écrire de la poésie douteuse sans jouer de rien, sans même chanter, sans toujours créer puisqu'on emprunte des riffs à gauche et à droite d'autres morceaux, sans toujours avoir de talent réel, ça ne fait que l'irriter. Mais il sait que c'est là pour rester. C'est l'art de la rue. 

Mais il sent que les choses doivent changer. BrownMark a un projet parallèle et pour compléter un album en cours, il demande à Prince si il n'a pas un demo dont il se départirait. Prince lui avait offert une esquisse de Kiss. Brownmark lui a ajouté un important groove, celui connu. Il le pratique de temps à autres mais Prince l'entend. Il trouve trop intéressant et reprend le morceau, pour lui. Les voix de Mazarati sont déjà préenregistrées par eux. Brownmark ne sera jamais crédité comme co-auteur pour ce #1. Personne de Mazarati ne sera crédité comme co-auteur. 

Ça arrive trop souvent. Avec Wendy & Lisa aussi. Sur le prochain album, l'important album double Sign O' The Times, elles seront simplement remerciées(en dernier) sur la pochette. Sans plus. Même pas parmi les musiciens alors qu'elles sont partout dans la création des morceaux, certains retravaillés depuis 1979. Ça leur brise le coeur. BrownMark est aussi dévasté, Kiss ne porte pas son nom. Bobby Z comprend que de la manière dont Prince brise sa guitare sur la scène au Japon, à la fin de la tournée de Parade, c'est un point final pour The Revolution. Seul Doctor Fink survit à la purge. 

Déchirant et frustrant car de Purple Rain à Sign O' The Times, Wendy & Lisa, et les autres, reçoivent très souvent des esquisses de chansons où Prince leur dit "Put your stuff on this". 

Ou si vous préférez, créer pour moi, svp. La principauté excluant presque toujours à 100% l'apport des auteur(e)s au final et les privant de royautés. Puisque le spectrum créatif de Prince est extraordinairement large, il est difficile de vraiment comprendre quand la création de Sign O' The Times débute. Il retravaille des morceaux vieux de 7 ans. Joués et rejoués depuis. Où forcément, The Revolution s'y trouvait. Le mois de pause de tournée, à l'été 1986, sera une série de va-et-viens entre Sunset Studio, à L.A. et Paisley Park qui se construit. Eric Leeds et Atlanta Bliss aux cuivres, qui survivront aussi à la purge, ponctuellement, se pointent en studio pour y enregistrer des bouts qui naissent dans l'esprit de Prince. Certains morceaux sont enregistrés parfaitement seuls et ensuite on y ajoute cuivres ou des choeurs

Prince trouve que sa vie devient affaires et de moins en moins musique. Il glisse peu à peu hors de sa passion pour Suzannah et certains tons et propos de ses compositions le trahissent. Il vit des tremblements de terre, réels, et dans sa tête et dans son corps. S'en inspire. Écrit ses malaises. Les incarne. Fait ce que son entourage appelle des "goofy songs".  Quand la version Deluxe sera lancée en 2020 du matériel créé à cette époque, ce seront 63 morceaux supplémentaires qui seront ajoutés aux 16 de Sign O' The Times.

Au printemps 1986, on travaille du matériel d'abord créé à l'été 1984. On pense à un album double qui s'appelerait Dream Factory. The Revolution est alors encore dans le décor. Parallèlement, il travaille des effets de voix qui le féminise, et il aime entrer en contact avec cette partie de lui-même. Il se prend un pseudonyme, Camille, et travaille un album éponyme avec cette voix trafiquée qu'il utilise. En tournée, Prince engage les non-musiciens Wally Safford et Gregory Allen Brooks pour danser ou errer sur scène et avec eux une attitude machiste s'installe dans la dynamique de groupe. Wendy & Lisa n'apprécient aucunement. Prince leur suggère d'être plus sexy sur scène, de jouer la carte du sexe. Contre nature pour les deux Femmes qui n'en ont pas envie. Elles proposent des morceaux qui sont encore moins bien reçus. Avec Camille, il avait l'intention de lancer l'album sans y associer son nom afin de voir si ça vendrait. Il combine finalement les chansons de Dream Factory et de Camille pour en faire un triple album qu'il apellerait Crystal Ball.

Il n'en est pas question pour l'étiquette Warner. Forcément un album vendu pus cher et du matériel qui ne convainc pas. D'autant plus que le dernier film a fait patate et l'album le représentant a eu des ventes biens, mais outre mer surtout. La chanson titre fait même plus de 10 minutes, et ouvre l'album. Warner n'aime pas. Prince est piqué dans son ego. 

La chanson titre du double album que ça deviendra sera inspirée de l'édition du 13 juillet 1986 du LA Times, qui y parle de la guerre des étoiles de Ronald Reagan, de nouvelle aide afin de démystifier le SIDA et d'appel à la conscientisation de la maladie. À Minneapolis le même jour, où Prince y fera le trajet LA-Minneapolis, on couvre le procès autour d'un meurtre impliquant le gang de rue The Disciples. Trois jours plus tard, Sign O' The Times est enregistrée. 

 

The Revolution (Fink, Wendy, Lisa, BrownMark Bobby Z) avec l'ajout de trois danseurs en Jerome Benton, Wally Safford et Gregory Allen Brooks, Eric Leeds & Atlanta Bliss aux cuivres, Sheila E. aux percussions, trouve la chimie changée. Elle le sera très certainement. BrownMark quittera. Ils sont maintenant au moins 11 sur scène.

Très inspiré de James Brown, qui avait toujours deux trois bands différents autour de lui, les forçant à donner le meilleur d'eux-mêmes afin d'être les élus des tournées, Prince fait de même. Sur scène, comme Marvin Gaye le faisait, il développe un système de signes et de jeux de mains forçant son band à toujours le regarder pour les improvisations musicales. Les 5 originaux de The Revolution, exigent alors une augmentation de paie, ce qui ne passe pas bien du tout aux yeux de Prince. Même si les demandes sont encore très modestes. 

En tournée, fâché contre The Revolution, il plante les trois (grands) danseurs devant le band. Pendant Purple Rain, en Asie, pendant qu'il se transforme en Pete Townshend en furie avec sa guitare, Wendy murmure à Bobby Z "We're fucked". Lisa n'y croit pas. Bobby Z  lui répond "It's over". 

"Vous ne vous rendez pas là où je veux me rendre" leur dira-t-elles en congédiant Wendy & Lisa. Il en écrira un morceau en appui. Quand Lisa entend quelqu'un dire plus tard, "The Revolution were real good, but now Prince is hot!". Elle comprend que Prince voulait rester sexy.

Elles ne cadrent plus dans la zone sexifiée. Sheila E. embarque dans le jeu, elle. 

Prince a 28 ans. Est maintenant sans partenaire (plus) fixe. 

Le 17 octobre 1986. The Revolution n'existe plus.

Il présente son triple album Crystal Ball.

La guerre commence.

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