Parade Migratoire

Suite au giga succès planétaire de Purple Rain, qui leur fait tout rafler aux Grammys en 1985, et même si l'album qui a suivi a connu moins de vente, Prince est non seulement très riche, mais a désormais carte blanche pour ses projets.

Il rêve Paisley Park à Los Angeles. Il a les moyens de se construire un studio à son goût. Le terrain choisi est au Minnesota, à Chanchassen, dans un champ de maïs pas vraiment entretenu. À 20 minutes du Sud-Ouest de Minneapolis. Les plans seront dessinés en 1985. Le Prince veut y faire construire son palais.  

Mais dès janvier 1985, après le succès de Band Aid, au temps des fêtes précédents, Harry Bellafonte, Lionel Richie, Quincy Jones, Micheal Jackson et Stevie Wonder choisissent le studio de Kenny Rogers afin de travailler un morceau qui serait l'équivalent du Do They Know It's Christmas ? de l'Angleterre, mais cette fois, avec les superstars des États-Unis. Afin de freiner la famine, en Afrique. 

Richie s'occupe de la mélodie, Jackson des mots avec lui, Wonder des arrangements et de l'humour*, Jones de la production, Bellafonte et Rogers du recrutement des artistes. En 2h et demi, on a la chanson. C'est au studio de Kenny Rogers qu'on enregistre le premier jet. 

Mais le gros du travail se fait le jour de American Music Awards où tout le gratin de la musique y sera. Jackson demande à Eddie Murphy de venir mais celui-ci, jugeant mal l'importance du moment, préfère enregistrer Party All The Time. Il se trouvera idiot par la suite. Prince suit la même idée. Prévu en duo avec Micheal Jackson, pendant un segment, et contre l'avis de son entourage, il choisit de ne pas se présenter. Il craint la clique Jones/Jackson et ne veut pas collaborer avec eux. Il se trouve une excuse pour ne pas s'y rendre. Sa partie sera donnée à Bob Dylan en duo. Son entourage, qui comprend mieux le moment, le supplie de ne pas sortir ce soir là afin de pas être vu ailleurs, si il est su qu'au moment d'enregistrer pour contrer le faim dans le monde, Prince fait le gourmand excessif dans les bars, ça passera mal.

Ça ira très mal.

Prince promet de ne pas faire la fête, mais c'est comme exiger d'un enfant de ne pas toucher aux jujubes devant lui. Même si son équipe de conseillers reste avec lui jusqu'à 2h du matin, pour ne pas qu'il ne sorte, Prince sort dans les bars. Intolérant aux photos prises de lui, en général mais surtout ce soir-là, une échauffourée survient quand un de ses gardes du corps s'en prends à un photographe duquel il veut lui soutirer son appareil. À 3H du matin, Les gérants apprennent "Qu'on (Prince) a un problème". En effet, des coups de poings ont été donnés. Dès les premières éditions du journal, page 1: Usa For Africa, une cinquantaine de stars de la musique chantent pour l'Afrique. Page 2 Prince et son équipe impliquée dans une bagarre dans les bars. Prince aura si honte, qu'il donnera une chanson au projet, une chanson qui passe largement inaperçue. Le mal est fait.

Quand The Time se sépare, Morris Day pour une carrière solo, Jesse Johnson pour la même chose, Paul Peterson (qui se rebaptise St.Paul), Jellybean Johnson et Jerome Benton acceptent un nouveau projet de Prince: être The Family. Suzannah Melvoin, Mikko Weaver (à la guitare) et Eric Leeds (au saxophone) y sont ajoutés. Prince leur écrit tout, mais le cache. Il crédite les membres du groupe afin qu'ils touchent un peu plus d'argent potentiellement. À un morceau près, morceau qui aura une seconde vie dans 5 ans. L'album ne fait pas fureur, le band ne dure qu'un seul concert, Peterson quitte, excédé du contrôle de Prince sur l'ensemble. Projet éphémère, mais qui rapprochera Eric Leeds de l'équipe de Prince.

Parmi les projets où il a carte blanche est cette envie de lancer un nouveau film afin d'accompagner son prochain album. Refaire le combo film/album. Le studio donne le feu vert au film qui n'a pas d'histoire encore. On pense d'abord tourner en capturant l'esprit de Palm Beach, Miami ou Capri, Prince veut finalement tourner à Paris. Voulant cette fois verser dans la comédie romantique des années 30, il choisit le French Riviera pour le film qu'il voudrait que Jean-Baptiste Mondino, un photographe/cinéaste de mode et de vidéo, tourne. Mais il n'est pas disponible. Le scénario est confié à une jeune scénariste de 29 ans qui n'a jamais signé de long-métrage encore, Becky Johnston. La réalisation, à Mary Lambert, réalisatrice de clips vidéos. Elle a tourné des clips pour Madonna et Janet Jackson qui ont connu beaucoup de succès.

Janet, avec son troisième effort solo sur disque, Ready For the World (même dans les titres), Mary Jane Girls, Jesse Johnson, Andre Cymone, l'influence de Prince se sent partout dans l'univers pop de 1985. Il donne à Chaka Khan et aux Bangles, leurs plus gros hits. Il se donne toujours aux Femmes.

On tourne dans Les Salons de la Rotonde, à Beaulieu-Sur-Mer. Suzannah Melvoin est d'abord l'actrice principale, mais Prince, dévasté de lui annoncer, lui dit qu'elle ne fera pas l'affaire pour le film. Dans le même souffle, il lui fait une autre promesse qu'il ne tiendra pas, il lui demande de devenir son épouse.

Mary Lambert, à la réalisation, ne dure pas non plus. Après deux mois de tournage, elle abandonne le projet qui ne la rejoint plus. Prince, sans expérience du genre à ce niveau, prends la réalisation en main. Kristin Scott-Thomas, une jeune actrice de 25 ans, d'origine britannique mais vivant en France, y trouve son tout premier rôle. Jerôme Benton partage les dialogues avec Prince et est, comme toujours, le support comique du film. Des dialogues et une mise-en-scène très homoérotique par moments. Scott-Thomas tire très admirablement son épingle du jeu et rehausse le tout, mais Francesca Annis est plus ou moins gaspillée avec un rôle mal développé. Prince est assez extraordinairement amateur dans son jeu d'acteur arrivant à peine à masquer des fous rires, mais le choix du noir et blanc est assez heureux. Si certains moments paraissent très amateur, le travail de Micheal Baulhauss, un caméraman qui aura travaillé avec Rainer Werner Fassbinder, Martin Scorsese, Mike Nichols et James L.Brooks, est assez superbe.

Under The Cherry Moon raconte l'histoire de deux gigolos, employés d'un complexe de villégiature de Nice, découvrant que l'anniversaire d'une jeune fille, issue d'une famille très riche, la verrait toucher 50 millions pour ses 21 ans, le jour même de cet anniversaire qui approche. Ils feront tout pour gagner son attention, d'autant plus qu'elle est très charmante d'emblée. Mais l'entourage de la jolie jeune fille flaire le plan qui ne parait que financier des deux filous, originalement de Miami avant de se trouver en France. L'argent et l'amour, deux sujets indissociables de l'oeuvre entière de Prince, sont au coeur de ce film qui sera 10 000$ sous ses frais de production au terme de sa vie publique. Et largement trouvé moche par la critique. Dans un visionnement d'essai à Pasadena, les gens rient aux mauvais endroits et se moquent du film et s'en amuse inconfortablement. Prince ne restera pas jusqu'à la fin du visionnement. Blessé mais déjà ailleurs. 

Le film récolte 5 Razzies: Prince pour le pire acteur, pire réalisateur, les trio de gérant Cavallo/Ruffalo/Fargnoli pour le pire film, Prince & The Revolution pour la pire chanson et Jerome Benton pour le pire acteur de soutien. Kristin Scott-Thomas est aussi nommée injustement 2 fois, mais justement, ne se mérite pas ce déshonneur. 

D'avril à l'hiver 1986, Prince, Lisa, Wendy, Doctor Fink, Brown Mark, Bobby Z., Sheila E., Eric Leeds, Bill Watrous & Atlanta Bliss aux cuivres, Suzannah & Jonathan Melvoin, David Z., Miko Weaver, Clare Fisher aux arrangements orchestraux (une importante acquisition, celle-là) travaillent ensemble le 8ème album de Prince. Un effort un peu baroque. Jazzy. Avec un brin d'avant-gardisme. Encore un peu néo-psychédélique. On fera jaser une Marie-France en langue française. Prince ose encore en territoire expérimental avec son père sur deux morceaux. Wendy & Lisa sont aussi co-créditées pour 2 morceaux. Il prend la courte lettre d'une fan et en fait un curieux morceau. Pour la première fois, les ventes en Europe éclipsent celles d'Amérique et celles d'Amérique dépassent le million. 

Prince a même un #1.

Un #1 qui est aussi un peu, un baiser de la mort.

Parce que la tournée qui suivra, la parade, sera funeste dans un certain sens. Un peu sombre. 

Noire. 


*Dans la coordination, il dit une première fois que lui et Ray Charles (deux non voyants) "Bumped into each other" et afin d'accélérer le rythme de l'enregistrement et en augmenter l'efficacité, il dit aussi "Allez on finit ça aujourd'hui comme il faut sinon ce sont Ray et moi qui vous reconduisons au volant chez vous."

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