Contrôle

Enfant, premier de famille et unique garçon, mes parents, quand j'avais 8 ans, en 1980, m'ont proposé de dormir au sous-sol. Mes soeurs plus jeunes, qui dormaient dans la même chambre avant, auraient ainsi chacune leur chambre en haut, au même étage qu'eux. Me laissant le sous-sol, pendant 10 ans, ils me donnaient une liberté inouïe. Quand tout le monde se couchait, je ne me couchais pas nécessairement. Je lisais, je passais à la pièce suivante pour écouter de la musique pas trop fort pour ne pas les réveiller 2 étages plus haut ou j'écoutais la télévision dans la 3ème pièce du sous-sol. J'apprenais à faire absolument tout ce que je veux, comme je l'entendais, quand je l'entendais. Ça a teinté ma personne et mon rapport à l'autorité à jamais.

Prince, à l'adolescence, vit la même chose. Il est expulsé par son bouillant père de la maison. Prince va alors vivre dans le sous-sol des voisins, les Anderson, dont le plus jeune des enfants, Andre, a l'âge de Prince. Ensemble, ils découvrent la musique, l'écoutent et la composent, mais surtout, Prince vit la même chose que moi. Il apprend à être 100% libre et faire ce qu'il veut, quand il le souhaite, comme il le souhaite, sans seconds regards sur ce qu'il fait. Oui, il y a André, mais Prince apprends de tous les instruments ou presque et est animé par une telle passion pour la musique qu'il a deux longueurs d'avance sur à peu près tout ce qu'il entreprend musicalement. Et n'étant pas le fils des Anderson, il n'a pas à faire face au même type d'autorité, du moins, pas aussi frontalement. Il décide de l'occupation de son temps à un jeune âge et ça teintera définitivement son rapport au contrôle en général. 

En 1977, il a 19 ans, se promène avec un démo enregistré en studio, et pas moins de 3 hommes d'affaires se disputent ses services, à Minneapolis. Comme moi au même âge plus tard et adulte, il inspire la confiance. Les femmes aiment et il vit des expériences sexuelles qui guideront ensuite ses sens.  Au moins ses textes. David Rivkin (plus tard David Z) est celui qui lui apprendra les techniques du studio et devient un grand ami. 

Owen Husney est l'unique des trois hommes d'affaires à promettre à Prince (qui baveusement l'exige) la co-production d'un premier album, mais aussi le contrôle créatif absolu sur ce qu'il fera. Il sera son gérant. Husney est impressionnant avec ce qu'il réussit à obtenir pour Prince de Warner Brothers. Trois albums, les droits d'auteurs entièrement pour Prince, la co-production dès le premier album. Le 25 juin 1977, c'est signé. Prince est gâté dès le départ. 

Il aurait souhaité Rivkin à ses côtés en studio, mais Warner Brothers lui impose à la place Tommy Vicari, que la maison de disque connait pour son travail avec Gino Vannelli, à Los Angeles. On enregistrera au Record Plant, à Sausalito, en Californie. Prince, Vicari, Husney et son épouse vivent ensemble dans un appartement de Mill Valley, avec une vue sur Sausalito dans la baie de San Francisco. D'octobre 1977, à Décembre, on travaille en studio ce qui sera son premier effort. 

Prince sera l'unique musicien crédité sur cet album.

Il fait absolument tout. Il chante, fait toutes les voix, joue de la guitare acoustique et électrique, du piano, du piano électrique Fender, du clavinet, du synthétiseur, du synthétiseur analogue minimoog et hybride, du synthétiseur polyphonique, la base, la batterie, de la batterie électrique (la toute première du genre), de la cliquette, du carillon, des cymbales manuelles, du tambours d'eau, du bongo, des congas, de la batterie au fouet, de la clochette et de la cloche, du bloc de bois, il tape des mains et clique des doigts. Il produit, arrange, mixe et s'implique dans la conception de la pochette préférant une photo moins parfaite de lui, éclairé à la chandelle, puisqu'il considère son album, imparfait. En effet, il n'écoute que très peu Tommy Vicari, préférant suivre son instinct artistique et se débrouiller tout seul. Vicari s'en sentira blessé.

Prince superpose jusqu'à 46 fois sa propre voix pour la chanson titre. Il utilise très majoritairement une voix de fausset. Le premier single est un morceau qu'il avait travaillé avec Chris Moon, sur son démo, à Minneapolis. Il en retravaillera un autre avec lui. On envoie ce single aux États-Unis, mais aussi, dans les Barbades et en Afrique du Sud. La face B est un mix du plus long morceau de l'album. Le single a un titre au sous entendu très sexuel. Déjà. Charles Veal est invité à faire des arrangements orchestraux. Prince aura toujours parmi ses thèmes fétiches les relations hommes femmes, le sexe. Une fascination qui ne le lâchera jamais. Warner reçoit une facture de 170 500$ fin février 1978 quand le mix final est finalisé, c'est trois fois le budget initial proposé. Mais Warner n'est pas inquiété car certains morceaux inspirent beaucoup la confiance de la maison de disque. Prince a l'intelligence de séquencer deux de ses meilleures en fin d'album les laissant sur une excellente impression.

La critique reste indulgente en juin, quand l'album est lancé: le jeune homme a 19 ans, et fait tout tout seul. Il attire l'attention par ses deux seules choses et le monde musical le note. Le public ne répond pas tellement à ce nouvel artiste. 

Mais l'apprentissage a été formidable pour le passionné adolescent de Minneapolis qui a eu 20 ans avant la sortie de son premier album. Où il joue de 27 instruments différents.

Le prochain effort sera différent. On choisit d'abord le Alpha Records Studio de Los Angeles. Prince invite aussi ses amis Andre Anderson, qui se rebaptise Andre Cymone et Bobby Z. Le premier jouera un peu de base et Bobby Z. un ancien coursier pour l'agence de publicité d'Owen Hussey est à la batterie occasionnelle. "Un peu" et "occasionnelle" parce qu'à nouveau, Prince joue d'à peu près tous les instruments. Sur quelques morceaux, il joue absolument de tout.  Ayant utilisé le double de son avance financière pour ses trois premiers disques, sans avoir généré de hits, Prince est un peu agacé et veut changer la donne. Là où il a surtout performé, c'est sur les palmarès R & B. Il aura encore le funk dans le doigté. Cette fois, il utilise l'argument que la co-production "ne l'aurait pas aidé" sur le premier effort et il produira seul. Réduisant du même coup, les coûts. 

Il contrôle absolument tout entre avril et juin 1979. Charmé (sans qu'elle ne le sache)par la pianiste Patricia Rushen, il compose un hit qui atteindra la 22ème position des palmarès pop rock et la 3ème des palmarès R & B. Warner aura son hit. Prince est seul maitre à bord.  Certains choix, et ça le poursuivra toute sa vie, ne seront pas beaucoup questionnés et pas nécessairement heureux tout le temps. On peut entre autre se demander parfois pourquoi il insiste pour utiliser sa voix de fausset sur certains morceaux. En revanche, il évoque tout à fait Marvin Gaye avec brio sur d'autres en s'en rapprochant vocalement. Il arrive même à chanter presqu'avec la voix d'une femme. Il est funky mais rock aussi

 Quand le premier single fait plutôt bien en août, on lance l'album en octobre. En janvier et mars 1980, on lancera 2 autres singles, mais sans le même succès. Deux autres singles seront aussi lancés à l'international, dont un, fin 1980, en Belgique. Chaka Khan donnera une seconde vie à un des morceaux de cet album dans 6 ans.

L'album vend tout de même trois millions de fois en 1979-1980. Ça inspire beaucoup de confiance.

Prince avait d'abord offert son premier album en oubliant de se présenter. Celui-là sera tout simplement "Prince". Avec en pochette l'auteur ayant oublié de porter son chandail et semblant poser pour ce qu'on connait aujourd'hui chez Tinder. 

Ce n'est pas innocent comme comparaison, l'entièreté de ses textes fait référence aux interactions relationnelles entre hommes et femmes, au aux désirs et envies sexuels.

Prince a 21 ans. 

Les années 80 s'ouvrent avec un son de synthétiseur pour le chanteur.

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